Pourquoi

     Cette question je me la pose encore. La première réponse qu’il me vient à l’esprit est vague. Pourquoi diable me lancer dans la réalisation d’un tour du monde ?!?  Hé bien...simplement parce que... je n’ai qu’une vie. Vraisemblablement, il est en moi curieusement trop inscrit la notion du temps qui passe. Pourtant, je n’ai que 26 ans. Je sais, je pense aussi prochainement aller consulter. Plus sérieusement, je pense à l’urgence de « Vivre » avant qu’il ne soit hypothétiquement trop tard. Aussi vrai qu’une chute est si vite arrivée, un drame peut fatalement priver une personne de tout plaisir. Heureusement je ne suis pas non plus continuellement hanté par cette idée mais si, comme ici, j’avais à défendre les raisons qui me conduisent à réaliser ce voyage alors me savoir en bonne santé m’encourage à pleinement en profiter. Peut-être ai-je, en tant qu’infirmier, pris davantage conscience qu’il suffit d’un instant pour tout perdre. Je n’en sais rien. Paradoxalement, si je tiens autant à profiter de la santé j’ai conscience que cette prochaine balade n’est pas sans danger.
 
     Après, il vient une série d’autres réponses. Une en particulier me laisse dans le plaisir de ne pas être encore menotté pieds et poings à cette société. Dit autrement, je suis encore jeune, en bonne santé, je n’ai ni fondé de famille ni de crédit à rembourser ce qui me laisse encore l’opportunité de m’évader, m’ouvrir au monde et m’enrichir...culturellement bien sûr. J’ai également conscience que ces conditions ne se réuniront qu’un temps. Par conséquent, l’opportunité d’un tel projet est difficilement reconductible et donc à saisir maintenant.

 

     Une autre raison se heurte ici au « système » qui selon moi est à mille lieux de ce que je recherche. Il s’agit d’une société dans laquelle on ne respire que partiellement le bien être. Pourtant, si j’avais à comparer ma situation, en France, à celle de d’autres pays il est évident que je ne devrais pas m’en plaindre mais m’en réjouir. Malgré cela, vivre au sein d’une société tournée sur un modèle économique capitaliste ne peut être l'exemple dans lequel on y développe un enrichissement personnel tel que celui que je recherche. Pour principal argument, il faut ici être productif en toute circonstance et même l’hôpital devient une industrie. D’ailleurs en écoutant les patients dont j’ai eu à m’occuper, mais également mes proches, je comprends que trop d’impératifs, de contraintes, de contrôles, de moyens de pressions sont à l’origine de l’altération de leur état de santé. Nous vivons à deux cents à l’heure et je n’adhère pas à ce mode de vie. Il me tarde alors de rencontrer d'autres communautés au sein desquelles l'être humain est approché avec bien plus de chaleur et de simplicité.

 

     De plus, cet empressement dans lequel nous nous essoufflons déshumanise les relations humaines. En faire plus ou davantage ne sera jamais assez et, si cela est encore possible, il en va de notre santé ou de la qualité des rapports entre les gens. En m’appuyant sur mon expérience, il est désolant et révoltant de constater que le temps accordé à écouter un patient apparaît comme accessoire car d’autres responsabilités, sans aucun lien avec le soin, sont à ce jour les priorités. Alors quoi faire ? S’y opposer en manifestant son désaccord ? A de multiples reprises on me répond que c’est ainsi. Plus clairement, adapte-toi ou le système emploiera des mesures prévues à cet effet. De pareilles attitudes me révoltent et ces réalités me dérangent et me poussent à penser qu’il est possible d’y échapper en fuyant afin d'expérimenter, plus intensément, une toute autre manière d’aborder la vie. Je veux marquer une pause et vivre d’une manière extraordinaire, qui n’est pas dans l’ordinaire.

     Je suis également fatigué de l’arsenal médiatique déployé pour nous convaincre que la dernière futilité sortie de chez Trucmuch est indispensable à notre quotidien. Tout est si cher, superficiel et mondain à mes yeux. Pourtant j’envie tous ces gens soucieux de leur allure vestimentaire, de leur look, tout comme ces personnes passionnées par la décoration de leur appartement ou, encore, ceux impatients de chérir au creux de leurs mains la dernière technologie sortie sur le marché. Mais alors il m'attriste un peu que la consommation de biens et de services résume ce que la société à de mieux à nous offrir. En plus, avant même de pouvoir s’encombrer de ce luxe il faut évidemment encore pouvoir se l’offrir. Bref, l’idée me déplaît. Je ne suis peut-être qu'un inadapté. Pourtant, un jour j'en suis sûr, j’y trouverai probablement un intérêt mais pour le moment je tiens un peu à me promener ; histoire de voir ce qu’il y a par-delà l'horizon.

     Et puis surtout je pars convaincu qu’il y a quelque chose qui s’acquiert au cours de ce voyage et qui n’est enseigné d’aucune autre manière. Un peu comme si la simplicité devenait aussi riche et précieuse que les sciences de ce monde.

     Enfin, ce tour du monde est une folie. Une folie préméditée et projetée à une dimension planétaire... Et je dois bien l’avouer que cette idée me plaît car je parle d’une véritable folie grandeur nature à la fois sportive et mentale au cours de laquelle il sera difficile d’y prédire la manière dont elle pourrait potentiellement s’aggraver. Je pense à l’adversité, aux conditions environnementales ou sanitaires comme le froid, le vent, la pluie ou, pourquoi pas, le risque de partager un bout de chemin en compagnie d'une turista confortablement logée dans mes tripes. D’ailleurs, pourquoi les éléments ne se déchaîneraient-ils pas ? Rencontrer une tornade doit être pétrifiant et magnifique à regarder. Je m’égare un peu... Bref, je ne m’attarderai pas sur l’ingéniosité dont peut faire preuve Mme Malchance. Dans tous les cas, survivre à des conditions extrêmes reste quelque chose d’excitant en soi. Ce voyage se résume ainsi à une longue aventure, à la rencontre entre le risque de l’inconnu et l’excitation d’aller le rencontrer. Bien que conscient des risques et des difficultés liées à ce tour du monde, je sourie, pour le moment, à l’idée de pester haut et fort au milieu d’une végétation où seule une route me rattachera à l’espoir de rencontrer encore quelqu’un. Disons aussi que cette aventure me permettra d’apprécier ce qu’il est humainement possible de déployer pour se dépatouiller de situations parfois imprévisibles. Et là, je ne peux pas m’empêcher de m’imaginer lever les bras au ciel et pestiférer d’être maudit. Je donnerai alors probablement un coup de pied contre un objet afin d’apaiser ma colère mais comme je me ferai mal cela l’amplifiera un peu plus... Que du bonheur, j’ai hâte !

     Je pourrai encore continuer un moment à blablater mais comme je m’égare un peu je vais m’arrêter là. En guise de conclusion, je vous invite à me suivre tout au long de mes préparatifs et bien évidemment tout au long de ce voyage ! Vos encouragements me seront d’une grande aide ! Maintenant, pour m'arracher, il n'y a pas d'autres solutions que de se déchirer.